Suite au refourbissage de la platine, pour cause de vinyle Anafrog, je suis en train de me refaire tout Oxygène, Equinoxe, Les Chants Magnétiques et Les concerts en Chine...
Rhâââ, premièrement, ce type, quoiqu'il soit devenu en terme d'image, hypercroissance égotique et tout le tintouin, fait figure de médium dans le paysage musical des 70's/80's! C'est incroyable de réentendre ça aujourd'hui, et incroyable d'avoir fait ça à pareille époque!
Oui je suis un vieux con, travaillé à l'excès par des souvenirs qui commencent à dater un peu, et en effet, sans aucun doute, ces musiques restent pour moi inextricablement liées à ce moment de ma vie où je ne tardai pas à comprendre, dès 12-13 ans, que la vraie subversion, la vraie liberté, n'était pas dans les pénibles pantalonnades revendicatives d'une jeunesse harassée par le poids du malentendu d'après-guerre (ces cons n'auraient plus jamais dû faire d'enfants): Elle était dans la science-fiction, le fantastique: Oser rêver l'ailleurs et l'autrement, radicalement, avec méthode, et non pas englués comme on l'est chaque fois depuis les premiers califats dans des passages/piquages de flambeaux quelque peu laborieux et toujours si éternellement semblables. Van Voght, Demuth, Lovecraft, Pierre Boule, Michel Jeury, Ray Bradbury (les Chroniques Martiennes!), Silverberg, Druillet, Cordwainer Smith, etc etc etc... et DUNE! Les insondables abysses de l'Espace et du Temps!
Oui dès l'abord, ces musiques furent et restent 40 ans après étroitement tissées de cet espoir informulé d'échappatoires grandioses, à venir, définitives. Quand je mets ça sur ma platine, c'est tout le contexte qui remonte, je me souviens, j'avais des ailes, oui, deux bosses dans le dos qui vraiment allaient le lendemain percer ma peau, et s'ouvrir!
Putain, la refonte sociale, la crise pétrolière, la déposition du Shah d'Iran et les bulles putrides échappées du dentier de Monchieur Valéry Gichcard d'Echtaing, j'en avais rien à foutre! On allait envoyer la Navette Spatiale, l'évènement du siècle, du millénaire! Le Grand Départ! Et les arpèges fins et éthérés du maître, illustration parfaite et inouïe de ce moment-clé de l'histoire des hommes -que dis-je "illustration"... c'en était le sel, l'émanation directe, parfaitement concomitante, la quintessence!- se déployaient en direction de l'inconnu! Vous imaginez-vous, ou vous rappelez-vous, ce que c'était, au milieu des années 70, que d'entendre s'élever ces harmonies incroyablement neuves, ces résonances, ce grain inouï jusqu'alors, porté par l'esthétique neuve qui ne pouvait qu'en découler?
Bon, on a vu la suite (la nôtre... la sienne...)

mais bon sang, qu'on y croyait!
Et objectivement, je dirais que ces 4 premiers albums n'ont pas pris une ride, pas une! Ca reste, dans l'espace vrai et naïf des sources de la rêverie humaine, d'une extraordinaire justesse poétique, les arrangements sont ciselés d'une manière, avec une finesse! Les associations sonores, les timbres calés les uns contre les autres avec la précision improbable magnifique et grandiose des murailles Incas, et des trésors d'inventivité et de culot (la basse flangée sur Oxygène, entre Sheila et les Stones fallait oser, et ça marche comme sur des roulettes)!!! Et par là-dessus plane une inspiration (voilà bien ce qui manque à tous ces pénibles techneux qui ressassent leur vomi ravalé mille fois, tout ce confort tiédasse sous couvert d'une vague rebellitude de bon aloi, bien au tiède dans la niche qui sent le chiot mouillé et plein de puces) NEUVE, fraîche, bon dieu, ça décape! (même si le faux innocent doit un peu à Mahler... bon...)...
Evidemment, ce disant, faisant l'aveu d'une intrication si étroite entre ces musiques et ma vie, mes souvenirs et mes désillusions, je suis automatiquement suspect de parti-pris. Qu'il me jette la première pierre, celui qui n'a pas mis un peu (beaucoup) de ce qu'il est dans ce qu'il aime...
Bon il n'était pas seul, déjà, au panthéon, dans mes 12 à 15 ans (le terme au bout duquel, n'y tenant plus, je me décidai à bosser 2 mois 1/2 aux fruits pour me payer un MS20, que j'ai encore, brave vieux!): Vangelis, Human League, l'oublié Philippe Guerre, malgré ses deux albums flamboyants, Space Art, Pink Floyd et j'en oublie... Mais je ne sais pas... Ce type et ses musiques ont incarné certain élan de ces années avec une exactitude parfaitement improbable, magnifique, flamboyante... Ces 4 albums, pour moi, restent intemporels et ravivent à chaque écoute un souffle qui nous ventilait les neurones avec une audace qu'on cherche un peu, ces temps...
Et je dirais, pour terminer, qu'ensuite, en entendant Zoolook et Houston, j'avais envie de vomir: Brusquement, sans transition, c'était devenu de la variété pure, qui participait à l'abrutissement, à l'anesthésie générals des années 80. Complicité inqualifiable, de la part de ce glorieux pionnier.
Bon, vraiment, disons aussi que faire tourner sur la platine, en 2013, ces disques-là (la grosse endormie de chez Dreyfuss avec "1976" écrit dessous), que j'ai tellement regardé tourner sur l'électrophone de Papa-Maman, les yeux perdus ailleurs, très loin, a quelque chose de l'expérience mystique
J'arrête là, vous allez finir par penser que je ne suis pas tout à fait objectif.
