...C'est marrant, parmi les nombreux témoignages de chacun, je n'ai pas encore lu quelque chose qui se rapproche plus de ma propre expérience...
Je vais tenter de résumer (mais à l'impossible, nul n'est tenu !
).
Bon, mes idoles d'ado ont été
Pink Floyd d'abord, puis plus tard
Yes. A l'époque je commençais à me débrouiller au piano... Je voyais tous mes potes se payer une guitare et en jouer plus ou moins mal, moi je m'en foutais, je voulais mon synthé !
J'ai commencé par acheter un orgue dès 12 ans, puis à 15 un splendide CS30 !
J'aurais préféré un MiniMoog, comme mes idoles Wright et Wakeman, mais il y avait un chiffre de trop sur la gauche de l'étiquette du prix. Le CS30, lui, avait beaucoup d'atouts en comparaison pour un tarif à la portée des économies accumulées au détriment des cadeaux de Noël et d'anniversaire sur plusieurs années... Il m'aurait fallu au moins 7 ou 8 ans de privations supplémentaires pour un Model D !
...Quand on a 15 ans, ça ressemble à une looooongue éternité d'attente !
...Les vingt premières années de ma vie de musicos n'ont été qu'une succession de frustrations. J'aurais rêvé d'un Hammond avec sa Leslie, je n'avais qu'un GEM R61 portable. J'avais fantasmé sur les leads gras et crémeux du MiniMoog, je ne suis jamais arrivé avec mon CS30 à m'en approcher vraiment. J'ai longtemps voulu avoir sous mes doigts des sons de pianos acoustiques et de Rhodes, et je n'ai trouvé qu'un Pianet T. J'ai finalement espéré disposer d'un orgue un peu plus "couillu" et de strings dignes de ce nom, voire pourquoi pas un piano synthétique un peu plus ressemblant à partir d'un polyphonique, j'ai trouvé un compromis avec un Crumar Trilogy déstocké à -40% quand les premiers DX7 ont envahi les magasins de musique. Pas mal pour les strings et les orgues, beaucoup moins pour le piano...
...J'ai donc tourné pendant quelques années avec cette config à 4 claviers, en répète comme sur scène, en y ajoutant un pedal board garni de flangers, phasers, delays et équaliseurs, le tout sortant sur un ampli basse en mono qui me servait de retour. Assez impressionnant sur les photos, parfaitement conforme aux dogmes des puristes de l'analo que j'ai rencontré sur ce forum, mais toujours pas vraiment satisfaisant pour moi, par rapport aux sons que j'aurais souhaité idéalement avoir à ma disposition pour les compos du groupe.
D'autre part, professionnellement, je n'ai seulement réussi qu'à enchaîner une suite de malédictions à chaque reconversion quand d'autres ont pu bâtir une carrière !
...C'est donc pas comme ça que j'avais espoir de financer l'achat des authentiques bécanes de rêve de mon adolescence, même au prix de l'occase...
...Adieu mes vieux fantasmes de B3, MiniMoog, Mellotron, CP80, Rhodes, etc...
A partir d'une certaine période, du point du vue de mes instruments, les choses ont commencé à changer : suite à une manne financière, mon groupe a pu investir dans un meilleur matos, dont l'AKAI AX-73 en particulier. Quelques temps après, un magasin de type Cash-Machin a ouvert pas très loin de chez moi, avec des opportunités nettement plus avantageuses sur les instruments de musique d'occase que les magasins habituels qui préfèrent vendre du neuf... Du coup, j'ai enfin eu mes sons de piano acoustique et électrique grâce au U-110 Roland pour moins de 1000 francs (environ 150€). Des strings et des orgues aussi, même si on est assez loin d'un B3. Vive le MIDI !!!
Avec le système des expandeurs, j'ai pu définitivement tourner une page dans l'organisation et l'ergonomie de mon matos, et surtout mon panel de sons. Un seul clavier MIDI poly analo pour les sons de synthés et le reste en rack avec des échantillons PCM tout prêts, une mixette pour rassembler tout le monde sur deux voies de table de sono, une poignée de jacks et de cordons MIDI, et hop !
...Mes lombaires m'ont dit merci !
...Et mes oreilles aussi, parce qu'on a beau dire, un piano acoustique en PCM, c'est quand même bien plus ressemblant qu'un Pianet T, et un Zoom 1202 ça fait bien le job sans prendre autant de place qu'un pedalboard, sans parler du dosage dry/wet...
J'avais des objectifs et des illusions d'adolescent, je suis arrivé avec l'âge à reconnaître et accepter les compromis, et d'une certaine façon, imparfaite bien évidemment, j'ai finalement pu atteindre la plupart de ces objectifs en perdant la plupart de ces illusions.
...Je ne vais pas détailler non plus, mais j'en suis quand même arrivé au fil des ans à garnir les étagères de mon mégastudio (une immense pièce de 2.4m de large sur 1.8m de profondeur...
...Non, il n'y a aucune erreur de frappe !) avec du matos capable de me faire entendre à peu près tous les sons de mes rêves de jeunesse, même si ce ne sont pour la plupart que des échantillons en ROM, et surtout me permettre enfin de les mettre au bout de mes doigts pour en faire la musique que j'aurais aimé pouvoir faire autrefois, comme celle de mes groupes préférés. Et surtout, ce dont je suis sans doute le plus fier, sans endetter mes héritiers sur plusieurs générations !
...Alors, non, je n'ai aucune lassitude, et je m'éclate toujours autant avec les orgues et le mellotron(-like) de mon E-MU Vintage Keyboard, le piano de mon U-110, et les samples en ROM de mon petit Kawai K1m quand je les mixe aux VCOs dans le filtre et l'enveloppe de l'AX-73 pour en sortir des nappes évolutives épaisses et sucrées comme des glaces Haagen-Dasz.
...Ai-je des regrets ? Non, aucun ! Au cours du temps et de mes rencontres, j'ai pu jouer sur presque tous les instruments mythiques dont je rêvais autrefois, et il n'y en a qu'un qui ne m'a pas déçu : le MiniMoog Model D Vintage (celui de Studiodragon en l'occurence) qui a été vraiment le seul à la hauteur de mes fantasmes, mais jamais à celle de mes moyens (et ça n'en prend pas le chemin avec la spéculation qui continue
). Aucun clone jusqu'à présent ne m'a convaincu, y compris même chez Moog. Aucun d'entre eux n'arrive à reproduire ce grain exceptionnel, doux et rauque à la fois. Trop propres sur eux, trop lisses avec leurs composants modernes et trop bien calibrés... Pour reprendre l'élégante formule d'André Manoukian lors d'une émission en prime time, c'est "
comme une foufoune qui sent trop la savonnette, et pas assez la foufoune"
...Les esthètes apprécieront !
...Alors, tant pis pour les originaux (sauf le Model D, évidemment), les
ersatz me satisfont bien davantage !
Et enfin, pour ce qui concerne les nouveautés qui remplissent des pages de commentaires sur ce forum, ce n'est pas seulement l'effet de ma presbytie de quinqua, mais je les regarde avec la distance du gars qui lirait de nouveau la carte du restau en sortant de table avec le ventre plein. Mes étagères sont pleines de machines dont les sons me plaisent. Aucune d'entre elles n'est arrivée par hasard ou par effet de collection. Il y a eu quelquefois des achats impulsifs, mais jamais compulsifs. D'où ma grande difficulté à choisir celle que je devrais revendre pour financer le lifting de mon CS30...
...A chaque nouvelle machine qui vient rejoindre mon set, c'est autant de raisons de moins pour en acquérir une autre.