Pauvret, c'était hier. Il m'a reçu aux alentours de Potron-Minet (enfin
Minette, mébon) en robe de chambre avec une coiffure de hibou, et tout enchifrené... Il avait pris froid en faisant le zazou dans les montagnes enneigées au-dessus de chez lui, dans ce décor grandiose au débouché des gorges, à Pont-En-Royans...
Un foie gras, un pâté de sanglier et deux bouteilles de pif plus tard ça allait nettement mieux.
Il daigna même s'habiller en civil tandis que je tournai le dos pour m'atteler à son 2600 (dernière version, noir et orange, avec toutes les options à gauche du clavier détachable).
Il ne m'en voudra pas de révéler ici que le bouzin comporte encore pour lui quelques zones d'ombre, malgré de déjà longues années de compagnonnage.
Il faut dire que derrière cette façade austère, voire carrément rébarbative, se cache un monde de possibilités, d'interactions: Les sources et destinations sont disponibles, même sans patcher au cordon, quasiment partout en double, en triple, en quadruple, ce qui en fait un monstre de synthèse.
C'est donc sous ses conseils quelquefois hésitants, mais la plupart du temps très avisés, que je me suis astreint à la pénible tâche de surmonter l'aversion qu'instinctivement j'ai toujours ressenti devant toute façade équipée de sliders en général, et celles d'Arp en particulier.
Déjà sur une surface horizontale (pour laquelle, ergonomiquement parlant, ils me semblent conçus), les sliders me semblent peu adaptés à la finesse gestuelle... Verticalement, c'est une hérésie.
Et quand ils sont placés sur un plan vertical, mais disposés horizontalement, c'est encore pire.
Bref, me voici tout pataud devant ce mur immense (oui c'est immense un 2600!) à en mettre une louche quand il en faudrait juste une goutte.
Par ailleurs, visuellement parlant, les rectangles et tirets de la sérigraphie orange, non contents de donner à l'ensemble un air hideux qui semble raconter l'absence accidentelle du designer professionnel le jour de la conception du bouzin, écrasent totalement la présence (visuelle) des éléments physiques dont ils indiquent la fonction (sliders, switches et jacks).
C'est laid, brouillon, confus.
Je pense que la première version, avant la crise d'orangite aiguë survenue en 1977 avec l'arrivée du nouveau filtre 4072, pourtant magnifique, me semblerait plus claire et accueillante.
De plus la disposition elle-même des contrôles semble par endroit devoir plus au hasard qu'à une quelconque forme de cogitation ou de logique: par exemple dans la section enveloppes, le jack de sortie CV se trouve EN BAS du module ADSR, tandis qu'il est EN HAUT du module AR...
Le module VOLTAGE PROCESSORS au bas du panneau est un mystère, les jacks ne portant pas les mentions IN ou OUT...
Vous allez me dire "le manuel n'est pas fait pour les chiens".
Certes.
Il ressort de tout ça qu'avec BEAUCOUP d'habitude et de très longues heures répétées de pratique, on doit en arriver à une sorte de fonctionnement suffisamment souple et instinctif...
Sans doute.
Mais je constate que la prise en mains de bien d'autres bécanes aussi complexes est LAAAARGEMENT facilitée par une ergonomie plus amicale et évidente.
A sa décharge, je dois dire deux choses:
- 1) Le bouzin a été conçu au tout début des 70's, une époque à laquelle le concept même de synthétiseur était encore balbutiant, et où aucun standard n'était clairement établi du point de vue ergonomie et interface instrument/musicien.
On voyait de tout, jusqu'au bizarre, à l'illogique, à l'inutilisable, en passant comme ici par le pénible.
Mais c'est aussi ce qui est bon, quand on se penche sur ces machines anciennes: c'est chaque fois un monde à découvrir, et donc une façon chaque fois différente, même toujours dans le cadre de la synthèse soustractive, d'aborder la construction du son.
Reconnaissons que le concept n'a guère fait école, signe sans doute qu'il ne présentait pas beaucoup d'avantages.
Je ne vois guère que les panneaux des EML série 400 qui puissent y faire penser un peu (mais ils me semblent beaucoup plus clairs et mieux conçus).
-2) LE SON EST ABSOLUMENT RENVERSANT!
Inutile d'entrer dans la sophistication patchistique: Un son de base, tout droit: PAN! On est illico propulsé dans la stratosphère.
C'est merveilleux.
Et cela vaut bien des efforts d'adaptation à l'interface de ce machin bizarre!
Bon, au bilan:
J'ai compris l'essentiel. Ca va mieux.
Je saurais pas encore faire le son de "JUMP", mais disons que dans le cadre d'un "basic setting", je pourrais me dérouiller à présent (si je n'ai pas tout oublié la prochaine fois
)
Conclusion (temporaire, car c'était mon premier essai vraiment prolongé et fructueux):
Mon coeur balance...
C'est un bidule énorme et malcommode (quoique le clavier soit excellent! (version duophonique ici)).
MAIS QUEL SON!
Chais paaaas...
Un petit B2600 d'occasion dans quelque temps?... (je pense qu'il va y en avoir plein plein plein: La plupart des blaireaux qui cèderont à la hype 2600 vont rapidement se casser le nez sur cet engin extrêmement complexe et difficile à maîtriser, et le revendront vite).
Peut-être.
Je retournerai chez Foox continuer à dégrossir mes piteux balbutiements.
Peut-être que d'ici là l'état aura cessé de me ruiner au covidien prétexte d'une peste imaginaire...
MERCI FOOX pour cette excellente journée!
PS: Il faut dire, pour terminer, que ce 2600 était posé sur un PS3300 allumé (dûment muni de sa double-pédale
).
A gauche trônait un Polymoog 203a. Allumé lui aussi.
Rhâââ, lovely!
Dans ma petite voiture, pour revenir, je glissais sur un nuage...