chok a écrit :Après mûres réflexions, il est évident que le nouveau synthé français devra, pour toujours un large panel, disposer d'une batterie de filtres (sec/râpeux/gras, par exemple Korg/ARP/Moog), sans négliger les filtres EMS, Oberheim et Roland...
Le nombre d'oscillos est aussi important, un minimum de deux et un maxi de 4 de façon à pourvoir avoir deux sonorités assez présentes d'office et de pouvoir passer de l'une à l'autre facilement....
Quatre enveloppes rapides, trois LFO, un RM, les classiques Noise et S&H, deux VCA, deux molettes, un joystick, un clavier 3,5 à 4 octaves, un poids "plume", une conception fiable...éventuellement Midi, mais ça c'est du détail....
Je ne veux pas faire mon rabat-joie, mais je pense personnellement que ce n'est pas la bonne approche. L'ARP 2600, le MS-20 ou... le Roland XP10 ont un point commun qu'on n'a pas mentionné jusqu'ici : ils existent, en tant que produit finis dont la production à l'échelle, petite ou grande, est possible.
Je fréquente quelques forums et listes de discussions et j'ai déjà vu plusieurs fois des gens très talentueux se lancer dans des projets grandioses. Nombre d'enveloppes, VCOs, voies de polyphonie, résolution des DAC, tous les curseurs à fond ! Et des oscillateurs à modélisation physique sur FPGA s'il vous plaît. Et au final ? Quelques updates à mi course, peut être un proto, des photos de PCBs, quelques demos... et puis plus rien. Au pire, des boards dans un carton. Au mieux, un proto fonctionnel qu'on aura plaisir à jouer mais qui sera impossible à (re)produire, trop coûteux à assembler, trop peu fiable, ou dont un des composants sera devenu obsolète entre le début de son développement et maintenant. Plus un projet est ambitieux, plus il prendra du temps à réaliser, plus il coûtera cher, et plus on aura de chances d'avoir été découragés ou de s'être pris une grosse tuile sur la tête au moment de passer du prototype à la production. Roland ou Korg ont des équipes suffisament larges et une expérience immense pour développer vite. Sequential ou Access ont commencé avec de "simples" programmeurs.
Faire la Ferrari du synthé, le synthé de rêve qui fera pâlir tous les Prophets de la terre, sans avoir fait avant au moins 2 ou 3 produits plus simples pour connaître toute la chaîne de A à Z et être capable de mettre des chiffres sur les temps et coûts de développement et de production, le nombre d'itérations de prototypes nécessaires... (ou des noms sur qui vend les potards, qui assemble les boards et qui découpe les flancs en bois), c'est selon moi une grave erreur. À moins évidemment que des gens ici aient déjà mené d'un bout à l'autres de tels projets, auquel cas ils pourraient apporter du grain à moudre et donner leurs chiffres (et noms).
Je pense que la satisfaction de sortir, livrer, voir "dans la nature" un produit de sa conception, aussi imparfait soit-il, est en soi une expérience bien plus riche que d'avoir simplement construit la machine de ses rêves dans son coin. Donc : viser le premier objectif, même avec un produit basique, pas le second...
À lire (en particulier les commentaires)
Je vous traduis en français ma "philosophie" pour le dev du Shruthi, que j'appelle "ingéniérie modeste".
1. Il n'y a pas que le prototypage software avec Reaktor et PD. On peut aller loin juste avec une breadboard, des boards de développement et les échantillons des fabriquants de semiconducteurs.
2. Cross-compiler et simuler : si les temps de développement pour du logiciel embarqué sont plus longs que pour un VST, c'est que quelque chose n'est pas fait correctement.
3. Ne pas avoir peur de vendre la mêche. Plus tôt on sort quelque chose, plus tôt on peut se rendre compte que c'est une grosse connerie, ou inversement, quelque chose qui mérite d'être amélioré et approfondi (exemple: Shruti-1 puis Shruthi-1, Microbe puis Bhajis Loops).
4. Dans le cas d'un développement fait par une personne sans financement, tout diviser en increments de 2 semaines et 1000€. Ne pas accepter d'inconnues temps/argent (un fournisseur qu'on ne connaît pas, une idée dont on ne sait pas si elle portera ses fruits, un circuit avec lequel on est pas sûr de savoir s'y prendre, une fonction dont on ne sait pas si elle tiendra en CPU/taille mémoire) supérieurs à cette limite.
5. Connaître la loi de Pareto. Si on veut sortir un proto dans 1 an, il faut qu'il soit fonctionnel à 80% au bout de 3 mois.
6. Connaître son talent et ses limitations, et ne pas imaginer vendre son produit plus loin que son talent ne puisse le lancer.
Je veux bien partager ces chiffres pour un petit projet comme le Shruthi : un budget de dev de 6000€ (aucun gain avant le 2ème lot de kits), 0.5+2+3 mois de dev pour le software (2 semaines pour un "proof of concept" avec l'essentiel en place, 2 mois pour avoir toutes les fonctionnalités, 3 mois de pinaillage), 1+3 mois de dev pour la partie hardware (1 mois pour la v1, 3 mois de tests et améliorations), 10 protos et 7 itérations de PCBs, une douzaine de requêtes de samples pour "trouver" les pièces et fournisseurs. Ce n'est qu'au 4ème lots de kits que ma liste "que commander où et en quelle quantité?" s'est stabilisée. C'est pour ça que je prends le "fais en un poly" avec des pincettes.