Leur titre Onyx a été un tube en 1977 et le duo se présentait masqué (en tenue de vulcanologue), près de 20 ans avant Daft Punk. Les Space Art sont restés dans l’ombre de Jean-Michel Jarre. Leurs trois albums culte sont réédités. Entretien avec Dominique Perrier, 68 ans, pionnier français des synthés.
Comment est né Space Art ?
À l’époque, j’étais surtout arrangeur. Avec le batteur Roger Rizzitelli, on travaillait beaucoup avec Christophe, qui adorait les synthés. En 1974, il avait acheté un Arp Odissey (l’un des premiers synthés, sorti en 1972). Lui, il s’en servait surtout comme métronome… Il me l’a prêté pendant presque deux ans.
Comment avez-vous abordé ce nouvel instrument ?
C’était comme avoir un nouveau jouet, c’était d'ailleurs un nouveau jouet. Mais on l’utilisait sérieusement. C’était un synthétiseur monophonique, on ne peut jouer qu’une note à la fois, mais la moduler très finement. Ca prenait un temps fou mais c’était très drôle. Et tout le monde pouvait participer.
Quels types de sons cherchiez-vous ?
Notamment un son type violoncelle que je cherchais à obtenir, dans les graves. Je cherchais toujours ce son pour mes arrangements, sans en trouver un satisfaisant . Avec les synthés, je l’avais. Vous savez, ces synthétiseurs des années 1970 restent les meilleurs. Les ordinateurs n’ont pas apporté grand-chose, à part une facilité d’utilisation. Mais le son est moins bon, je vous l’assure.
Comment est venu le nom Space Art ?
J’étais plutôt parti sur le nom Moon. Roger est revenu d’une fête foraine, et a proposé le nom d’une des attractions Spessart (du nom d’un massif allemand). Peut-être parce que les Allemands étaient les premiers, avec Kraftwerk et Tangerine Dream, sur la musique synthétique. Spessart s’est transformé en Space Art, qui sonnait mieux.
Vous aviez enregistré les trois albums au studio Ferber, à Paris. Vous aviez un lien particulier avec ce lieu ?
J’ai suivi la création de ce studio (en 1973), par René Hameline, qui était un ami. C’était un studio ultramoderne, il l’est toujours.
Pour le deuxième album, Trip in the Center Head, vous aviez utilisé un plus grand nombre d’instruments…
Un Polymoog, un Memory Moog, le premier vocoder (instrument qui transforme la voix) et un mellotron, qui, lui, existait depuis le début des années 1960, mais que je n’avais pas encore utilisé.
Vous vous produisiez à la télé en tenues de vulcanologues. Daft punk avant la lettre ?
Ce sont sûrement un peu nos filleuls. La principale raison était liée à nos rapports avec le producteur Francis Dreyfus. Il avait produit notre groupe Bahamas, et commençait à travailler avec Jean-Michel Jarre. On ne l’avait pas sollicité pour Space Age, pensant qu’il se concentrerait sur Jean-Michel et risquait de nous négliger. Mais on ne voulait pas le mettre en porte à faux, alors on apparaissait masqués. Et puis, à l’époque, j’étais moins sociable que maintenant.
Jean-Michel Jarre a incarné l’électronique à la française. Il n’y avait de la place que pour un nom ?
L’intérêt pour la musique électronique était moins important qu’en Allemagne, par exemple. Nous, après trois albums, c’est bon, ça suffisait. On est ensuite allés travailler avec Jean-Michel, notamment pour ses concerts en Chine. Une expérience extraordinaire. Être dans l’ombre m’allait bien. On a continué jusqu’en 2010.
Parallèlement, vous avez lancé Stone Age
J’ai formé ce groupe en 1992. Il mélangeait les instruments celtiques et l’électronique. (NDLR : Il a sorti quatre albums entre 1994 et 2007).
Comment a été prise la décision de rééditer les premiers albums de Space Art et de sortir une compilation ?
Un morceau avait été choisi pour une des deux compilations Cosmic Machine (consacrées aux premiers aventuriers parfois oubliés, de la musique électronique française), éditées par Because. Puis ils m’ont proposé de rééditer les premiers albums de Space Art. La pochette de la compilation est signée de Gilles Lacombe, qui avait réalisé celles de nos albums. Depuis, il est devenu sculpteur.
En fait, vous avez relancé Space Art depuis quelques années..
Oui, avec Michel Valy (basse), Lilli Lacombe (violon, claviers) et Alain Pype (batterie, percussions). Nous avons enregistré deux morceaux avec Tommy, le fils de Roger (disparu en 2012) à la batterie et nous préparons un album. Au printemps dernier, nous avons sorti le titre Seven Ages, inspiré par un monologue de Shakespeare tiré de la pièce Comme il vous plaira (1603). Le texte compare le monde à une scène de théâtre. Pour le déclamer, on a utilisé un chant virtuel, généré par ordinateur…
Source
http://www.larochesuryon.maville.com/so ... 3_actu.Htm
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